Interview: Kid Congo Powers

Kid Congo Powers est le génial guitariste dont le nom est associé aux Cramps, au Gun Club et à Nick Cave. De son vrai nom Brian Tristan, il est né à El Monte (Californie-USA) et vient tout juste de fêter ses 62 ans. Depuis 2006, Kid Congo sévit avec son groupe, les Pink Monkey Birds. Il a écumé les clubs d’Europe de nombreuses fois et je garde un très agréable souvenir de sa performance au Binic Folks Blues Festival 2012. Très tôt, le Kid s’intéresse à la scène punk du CBGB et du Max’s Kansas City où il gravite autour des Ramones, de Television et des Cramps comme dans un rêve. La légende dit qu’il n’aurait jamais touché un instrument avant qu’il ne fonde le Gun Club avec Jeffrey Lee Pierce. Pierce lui apprend à jouer de la guitare en “Open Tuning”.  Peu de temps après, il donne son premier concert avec le Gun Club au Hong Kong Cafe, un restaurant chinois de Los Angeles. C’est après un court passage dans le Gun Club sans participer aux premiers albums, avec une expérience d’un an à la guitare, qu’il intègre alors les Cramps. Aujourd’hui, outre les Pink Monkey Birds, il participe au groupe Wolfmanhattan Project réunissant des gloires du garage, à savoir Mick Collins (The Gories) et Bob Bert (batteur de Sonic Youth). Un nouvel album de ce projet intitulé « Summer Forever and Ever » est dans la boîte et doit paraître sur le label In The Red prochainement. Kid Congo, le rockeur le plus cool de cette planète, a accepté avec gentillesse de répondre aux questions de Thee Savage Beat depuis sa résidence de Tucson. Son actualité : la parution d’un superbe  EP avec ses Pink Monkey Birds  qui a pour titre “Swing from the Sean Delear”.  

THEE SAVAGE BEAT : Peux-tu nous parler de tes origines mexicaines ?

Kid Congo : Mes parents sont nés tous les deux sur le sol américain, mais mes grands-parents étaient mexicains. Quand on était enfants, on nous a inculqué le sens de la fierté de notre héritage. J’ai toujours eu ça chevillé au corps. 

Qu’écoutais-tu dans ta jeunesse, quels artistes ont été déterminants pour lancer ta carrière ?

Quand j’étais gamin, j’adorais The Mothers of Invention de Frank Zappa, mon album préféré c’était “Freak Out!”. La culture “freak” m’attirait beaucoup. Et puis j’ai des cousins qui m’ont fait découvrir l’album “Axis Bold As Love” de Jimi Hendrix. J’ai adoré le son, les guitares saturées. Il y avait aussi les Rolling Stones, les Kinks. J’étais fan aussi de David Bowie, de Mott The Hoople et de T. Rex sur la scène glam rock. Et puis, évidemment, Patti Smith et les Ramones aux débuts du punk. J’ai eu un choc la première fois que j’ai vu les Cramps, ça m’a bouleversé à jamais. Jamais je n’aurais imaginé qu’un jour je ferai partie du groupe.

Kid Congo Powers avec The Cramps

En quoi les fanzines ont été importants dans ta jeunesse ?

Les fanzines ça a été hyper important pour que je puisse trouver des gens comme moi. Ils s’adressaient directement à leur lectorat, une petite communauté. C’était comme une société secrète avec le langage des jeunes. Pour moi, grâce à des fanzines comme “Back Door Man” de Los Angeles, c’était comme intégrer une famille, et ça m’a fait apprécier MC5, Patti Smith quand son premier single est sorti, les Stooges,  Pere Ubu, Television, et des groupes locaux de LA comme The Dogs, The Zippers, et The Motels, qui jouaient tous dans des lieux underground à l’époque. On y trouvait aussi des essais sur la délinquance juvénile entre autres. Après la première venue des Ramones à Los Angeles, j’ai lancé un fanzine pour les fans de LA, avec des infos sur leurs concerts et les sorties de disques. Ça a été le début d’une communauté qui a perduré. Je suis toujours ami aujourd’hui avec de nombreux contributeurs du fanzine de l’époque.

Ado, quand tu étais président du fan-club des Ramones à Los Angeles, as-tu eu des retours des membres des Ramones ?

Oui. Joey Ramone me surnommait “The Prez” et il a écrit un texte pour mon fanzine. Leur agent de Los Angeles nous donnait toutes les infos sur le groupe, et j’ai été invité à la présentation en avant-première de leur deuxième album, “Leave Home”.

Ton CV est assez impressionnant, de quoi es-tu le plus fier ?

Je suis fier de tout, je ne peux pas établir une hiérarchie entre mes expériences.

Quelles ont été tes sources d’inspiration pour le dernier EP ?

Mon inspiration vient des rêves et des souvenirs, des esprits qui ont quitté la terre récemment et de ceux qui nous ont quittés il y a longtemps. Mais aussi de l’actualité, des protest songs qui font marrer.

EP de Kid Congo and the Pink Monkey Birds – “Swing from the Sean Delear”

Ton dernier single « He Walked in » aux teintes jazz & psychedelic rock matiné d’un groove me fait penser à un bon titre de Andre Williams sur une musique de Santana, ais-je raison ?

Je ne le conçois pas comme ça. La musique m’a plutôt été inspirée par l’afro-beat et le groove chicano de  War ou de Tierra. Mais je suppose que Santana est là quelque part. Pour ce qui est des paroles, je dirais le beatnik jazz ou Ken Nordine. Je comprends que tu cites Andre Williams, quand il s’agit de R&B, il n’est jamais très loin.


Comment avez-vous travaillé sur l’enregistrement du dernier EP, sur le son ? Peut-on espérer un prochain album sous peu ?

En tant que groupe, on ne discute jamais à l’avance du son. On travaille comme une seule entité, et c’est naturellement qu’on sort des chansons et un son. On part d’un groove et on travaille à partir de ça. A cause du Covid, et vu qu’on habite dans des États différents, on n’a pas pu enregistrer. Maintenant la plupart d’entre nous est vacciné, et on parle d’enregistrer un nouvel album, pour ce qui est de la scène on ne sait toujours pas quand on pourra en faire sur une grande échelle.

Photo: Rick Marr

Tu as fait partie des Cramps et tu as joué sur l’album Psychedelic Jungle. Quels souvenirs gardes-tu de l’enregistrement ?

J’étais jeune et très fébrile. Ce sont des grands professeurs, et, à l’image de tout ce qu’ils ont fait, c’était un événement du début à la fin. C’était la première fois que j’étais dans un studio d’enregistrement, et je me faisais un tas d’idées sur ce qui allait se passer. Finalement ça s’est plutôt bien passé.

Lux Interior et Poison Ivy t’ont baptisé Kid Congo Powers, pourquoi ?

Un membre des Cramps se doit d’avoir un nom spécial qui se démarque des gens bien-pensants.

Tu dois avoir pas mal d’anecdotes avec le Gun Club aussi, peux-tu nous raconter comment tu as créé le groupe avec Jeffrey Lee Pierce ?

J’avais jamais touché une guitare de ma vie quand on a lancé le Gun Club. Et je crois bien que le batteur Brad Dunning était novice aussi. Mais on ne manquait pas d’idées et Jeffrey Lee Pierce savait écrire des chansons. La formation originelle avait des influences reggae et R&B. On se disait que ça ressemblait à du Mink DeVille ! Enfin, ça ressemblait plutôt à un Mink DeVille perdu dans une décharge. Mais on était bien intentionnés. Finalement on a trouvé notre voie, on a appris à mieux jouer et on a inventé notre son. On n’a pas cherché à copier le son de qui que ce soit. On voulait inventer un nouveau langage avec le rock and roll comme base.

Kid Congo Powers (à gauche) avec Jeffrey Lee PIerce dans le Gun Club, 1984 (Image credit: Peter Noble/Redferns/Getty)

Tu as déclaré « Le Punk était très gay à ses débuts », peux-tu nous dire pourquoi ? Etre gay dans le milieu garage-rock est-ce bien accepté ? 

La première scène punk de Los Angeles était peuplée de tout un tas de désaxés. Il suffisait d’être contre le système pour être accepté. Etre gay, c’était être contre le système. Des créatifs, des étudiants en arts et en mode ont permis l’émergence de cette scène. La plupart des musiciens et des marginaux étaient gays. C’était plutôt accepté mais on en parlait rarement, toutes ces étiquettes c’était tabou. On ne disait pas vraiment les choses. J’étais juste un punk, ou, comme l’a dit Richard Hell, j’appartenais à la “blank generation”.

Qu’est-ce qui te fait du bien, en dehors de la musique ?

Jouer avec mon chat, être dans la nature, faire de la randonnée, passer du temps avec mon mari.

Peux-tu nous citer dix albums à écouter en confinement ?

Ça fait beaucoup 10 ! Allez, j’essaye:

1.  T. Rex Electric Warrior 

2. John Coltrane “OM”

3. The Kinks “Lola Vs Powerman”

4. Horace Andy “Best Of”

5. William Basinski “Lamentations” 

6. Sparks “ A Steady Drip Drip”

7. Bob Dylan “Blood On The Tracks”

8. The Temptations “Cloud Nine”

9. Nick Cave and Warren Ellis  “Carnage”

10. War  “The World Is A Ghetto”

Qu’emporterais-tu sur une ile déserte ?

Mon chat, mon mari, et l’album de Patti Smith “Horses”.

Si tu pouvais faire un duo avec un artiste de ton choix vivant ou disparu, qui choisirais-tu ?

Pas facile de choisir. Hope Sandoval de Mazzy Star, ou Bo Diddley.

As-tu des nouvelles récentes de Poison Ivy ?

Oui. Elle est en pleine forme en ce moment.

Quel est ton meilleur souvenir sur scène avec les Pink Monkey Birds ?

Le meilleur est à venir.

Te souviens-tu du concert au Stakhanov à Nantes le 9 Avril 2013, c’était un peu la folie, non ?

C’est pas facile de se souvenir de tous les concerts, mais je te crois si tu me dis que c’était sauvage ! Faut qu’on revienne pour remettre ça !

Interview: Frédéric Quennec / Traduction: Nicolas Quennec

Facebook Kid Congo and the Pink Monkey Birds : https://www.facebook.com/profile.php?id=100046965197162

Lien du label in the Red pour acheter le disque : https://intheredrecords.com/collections/frontpage/products/kid-congo-the-pink-monkey-birds-swing-from-the-sean-de-lear-12

Playlist Spotify Kid Congo :

Publié par theesavagebeat

Ce blog propose des articles, principalement des interviews, sur des artistes ou groupes rock, punk rock et rock garage. Il est basé à Nantes (France). Le nom Thee Savage Beat est un hommage au groupe nantais Thee Death Troy ainsi qu’au titre des Dictators « The Savage Beat ». Ce blog est tenu par Frédéric Quennec et Nicolas Quennec.

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